- AVEZ-VOUS DÉJÀ FAIT UN VŒUX? Je n'ai jamais fait de voeux, même pas lorsque j'étais une enfant. À mon humble avis, il ne sert à rien de rêvasser en souhaitant obtenir quelque chose. On doit agir, se lever et aller de l'avant pour réaliser ses rêves. Ce n'est pas que mes parents ne m’encourageaient pas à l'imaginaire et au pouvoir du désir, mais je n'ai jamais réellement pensé que le simple fait de formuler un vœu pouvait nous aider à quelque chose.

     - QUE PENSEZ-VOUS DE LA FONTAINE AUX SOUHAITS? SUPERSTITION IDIOTE OU FAITS RÉELS? Je suis peut-être à Quertal depuis dix ans, mais je n'ai jamais porté attention à ce qu'on m'a dit à propos de cette fontaine et de ses vertus. Je crois bien avoir entendu quelques clients dirent qu'elle était magique et exauçait les souhaits, mais je ne porte pas grand intérêt aux légendes. Pour l'instant, c'est juste une fontaine qui orne la place publique, puisque je ne désire pas en apprendre d'avantage la concernant. Mais attendez un instant, n'est-ce pas à ce endroit que Dorine s'est fait tuer?

     - LE RÉCENT TOURISME ENGENDRÉ PAR LA FONTAINE AUX SOUHAITS VOUS DÉRANGE OU VOUS INDIFFÈRE? Ça ne me dérange pas. Qu'il y ai quarante ou trois cent personnes à Quertal, l'important est que c'est la ville où j'ai grandi, celle où je me suis sentie le mieux. Je ne pourrais vous faire croire que le fait que certaines personnes circulent directement dans les rues et demandent sans cesse leur chemin ne m'agace pas un peu, mais au moins, cela permet de faire fleurir l'économie de la commune.

     - DORINE ÉTAIT UNE FEMME ACARIÂTRE. L'AVEZ-VOUS DÉJÀ CROISÉ ET QUE PENSEZ-VOUS DE SA RÉCENTE MORT?   Je la connaissais, cela va de soit. Tous ceux ayant résidé à Quertal avant sa mort doivent la connaître, ne serait-ce que de nom ou de vue. Moi, j'ai eut le malheur de la croiser lors de mon arrivée à Quertal, alors que je n'avais que dix ans. Je m'étais égaré, après avoir fuit ma nouvelle maison, pensant que je pouvais rejoindre Bienne à pieds, à mon âge. Mais ce n'était pas la raison pour laquelle je pleurais. C'était parce que j'avais perdu mon ours en peluche dans ma hâte, près de sa maison, et que je le cherchais désespérément. Elle était alors apparu devant moi, ourson en main. Les yeux brillants, j'avais tendu les bras vers elle, pensant qu'elle venait me le rendre, mais pas du tout. Après avoir pouffé de rire, elle s'est mise à l'éventrer sous mes yeux apeurés. Heureusement, mon père m'a retrouvé à ce moment précis et m'a éloigné d'elle, après l'avoir traité de vieille folle. Je l'ai, par la suite, évité du mieux que je le pouvais. Lorsque j'ai appris sa mort, ça ne m'a pas chagriné, mais je n'étais pas pour autant heureuse. Elle devait être malade et aurait plutôt eut sa place en hôpital psychiatrique.
   

''Elle est bizarre. Ses parents font partie d'une secte. J'ai entendu ma mère dire à tante Yvonne qu'ils vénèrent satan!'' Ces préjugés, je les entendais à longueur de journée, chaque fois que je me rendais à l'école. Je n'étais alors qu'une enfant et je ne comprenais pas pourquoi mes compagnons me mettaient à l'écart du groupe. Peu d'enfants de mon âge m'adressaient réellement la parole et avec un peu de recul, je comprends maintenant qu'à leurs yeux, j'étais juste trop différente. j'étais pourtant comme toutes les autres filles de mon âge. Je rêvais de devenir une belle princesse, j'aimais les licornes et ma couleur favorite était le rose. La seule différence était que mes parents n'étaient ni catholiques, ni protestants comme la majorité des habitants de la commune. ''Sa mère est une espèce de sorcière qui pratique le vaudou. '' C'est une phrase que j'entendais tout aussi régulièrement. Accrochés aux stéréotypes, les gens préféraient voir mes parents comme étant des hurluberlus, ou encore, magiciens maléfiques. ''Ce n'est pas une sorcière, elle est Wicca, ce n'est pas la même chose.'' Les deux autres enfants me regardèrent avant de pouffer de rire devant moi, à mes dépends. Je ne voyais pas en quoi c'était drôle. C'étaient des idiots, ils ne connaissaient absolument rien à la religion païenne. Ils s'imaginaient sûrement que nous égorgions des poulets au centre d'un cercle en récitant des incantations diaboliques. Merci Hollywood pour ces magnifiques stéréotypes complètement débiles. Ce n'était toute fois pas le cas. Au contraire, ma famille avait un très grand respect pour tout ce qui était vivant. Mon père m'avait dit, une fois, que toute chose vivante dégageait de l'énergie, et que nous puisions dans celle-ci pour supporter les épreuves et réaliser des miracles. Pour eux, dieu n'était que la force humaine, l'énergie de chaque chose vivante qui ne faisait qu'une. Ils respectaient les autres religions, les autres cultures... Mais j'étais beaucoup trop jeune pour comprendre que tout ceci n'était qu'une divergence d'opinions et de religions. Je ne comprenais simplement pas pourquoi on s'amusait à rire de ma famille. À mes yeux, elle n'était pas différente des autres.

Alors que je les regardais avec impuissance, les deux garnements foncèrent sur moi pour me pousser par terre, avant de rire de nouveau. ''T'es qu'une pauvre conne!'' Alors que les larmes commençaient à monter et que ma vue s'embrouillait à travers cet épais amas d'eau brûlant, ma soeur vint se placer devant moi. Alors que j'avais neuf ans, elle n'en avait que sept. Très différente de moi, c'était la petite rebelle, celle qui ne se laissait jamais marcher sur les pieds alors que j'étais plutôt celle qui partait se cacher derrière une benne à ordures en cas de problèmes. ''Touchez pas à ma soeur!'' Du haut de ses trois pommes, elle croisa les bras sur sa poitrine, en figure d'autorité. Loin de les effrayer, ils commencèrent à rire d'elle, la traitant de sorcière. Sourire aux lèvres, Lilas en profitant pour prendre la perche en plein vol. ''Justement, je suis une sorcière. Vous avez vraiment envie que je vous change en larve? Parce que c'est ce que vous êtes, des larves puantes et collantes.'' Peut-être étais-je plus âgée qu'elle, mais je n'avais pas sa force de caractère. C'était plutôt elle, ma grande soeur. La plus débrouillarde et forte. Pas la peine de vous dire qu'ils ont déguerpis comme des lapins, croyant ces balivernes. Me relevant en reniflant, je n'ai pas levé le regard, trouvant plus intéressant de fixer mes souliers. ''S'il te plait, ne le dis pas à maman.'' Heureusement pour nous, ce cauchemar serait bientôt terminé, puisque nous avions appris que nous ne resterions pas à Bienne très longtemps. Un mois plus tard, nous déménagions à Quertal, petite commune qui lui était voisine. J'avais alors dix ans.


Voilà maintenant douze ans que nous étions déménagés à Quertal et je quittais enfin la maison familiale pour vivre de mes propres ailes. J'étais enceinte, mais seule ma soeur était au courant. Ce n'est pas que j'étais du genre à craindre la réaction de mes parents, mais j'étais celle qui avait toujours le contrôle sur sa vie. Je planifiais, j'organisais... alors avouer que j'étais enceinte d'un homme que je ne connaissais pas, je ne le pouvais tout simplement pas. Emballant mes objets en vue de déménager le lendemain, je me suis arrêtée en voyant que celui que j'avais en mains était mon ourson en peluche favori. Lorsque j'étais encore enfant, cet ourson m'avait suivit partout, me donnant du courage lorsque j'en manquais. Il avait été une source de réconfort incroyable. Posant une main sur mon ventre, je me suis surprise à sourire, pensant au fait qu'il serait bientôt le protecteur de l'enfant que je portais en ce moment même. Je ne connaissais même pas le père du bébé. Quelle triste vérité. Je ne suis pas le genre de femme qui s'amuse à draguer à droite et à gauche, mais j'avais eu un coup de blues, un soir. J'étais au bar, un charmant jeune homme était venu me saluer et me complimenter et j'avais terminé la soirée dans son lit. Le lendemain, je m'étais sauvée avant son réveil et je n'avais plus jamais entendu parler de lui. Tout ce que je savais, était qu'il était légèrement plus âgé que moi. Je ne connaissais même pas son nom et en fait, je préférais ainsi. Je ne voulais pas qu'un inconnu ai son mot à dire dans l'éducation de cet enfant, que j'avais décidé de garder. Ce furent les bruits de pas de ma soeur qui me sortirent de mes pensées. ''Pourquoi je ne peux pas déménager avec toi? J'étouffe ici... '' Élargissant mon sourire, non pas pour la narguer mais parce que je la trouvais adorable, j'ai déposé mon ourson en peluche avant de me diriger vers elle et de la prendre dans mes bras. ''Parce que tu as ta vie à vivre et que j'ai la mienne!''


Est-ce qu'on doit qualifier une jeune fille de mauvaise mère si elle quitte son enfant des yeux quelques secondes? Injuste serait de la blâmer, alors qu'elle n'avait pas l'intention de nuire à la chair de sa chair, le sang de son sang. Paniquée, je courais dans les rangées à la recherche de Crystal, ma fille. Deux ans, et elle se baladait déjà plus vite qu'un adulte normal. Curieuse, je la perdais souvent de vue quelques secondes, seulement voilà... elle était disparue de mon champs de vision depuis plusieurs minutes déjà. ''CRYSTAL? ..... CRYSTAL?'' Les gens me dévisageaient comme si j'étais une folle, des regards pleins de jugements alors qu'ils ne savaient pas de quoi il en retournait et pourquoi je courais comme une cinglée dans les rangées. Souvent, j'avais peur de la perdre. Qu'elle tombe d'un balcon ou que son père ne sache son existence et ne désire la kidnapper. C'était idiot, cet homme ne pouvait pas connaître son existence. Après tout, même moi, je ne me souvenais pas de son visage. Des cheveux bruns et un sourire charmeur, voilà tout ce qui me restait de lui, enfoui au plus profond de ma mémoire. Si je le croisais dans la rue, probablement que son visage me serait familier, mais sans plus. Tournant l'une des allées, mon coeur cessa de battre quelques secondes, lorsque j’aperçus ma fille discuter avec un homme d'âge mûr. Je me suis alors précipitée vers eux, prenant ma fille dans mes bras tout en dévisageant l'homme de la tête aux pieds. Je n'avais entendu que des brides d'informations, mais cela m'avait paru assez grave pour intervenir immédiatement. Un simple petit ''tu veux que j'aille te reconduire chez toi?'' Quel genre d'homme demandait à une enfant de deux ans si elle voulait qu'il la reconduise chez elle, plutôt que de lui demander si elle voulait qu'il l'aide à retrouver sa mère? ''Ne vous approchez pas de ma fille! '' Haussant les épaules comme pour démontrer qu'il ne faisait rien de mal, il tourna les talons avant de sortir du magasin. Soulagée, je me suis mise à baiser le front de Crystal, avant de la mettre en garde. ''NE ME FAIS PLUS JAMAIS ÇA, C'EST COMPRIS? Ne t'éloigne jamais de maman.''


'' Es-tu certaine que tout va bien? '' Décrochant mon manteau de la penderie, je me suis retournée vers Lilas, qui jouait avec Crystal. Le jour précédent, elle était débarquée chez moi, vêtements sales et regard apeuré en me demandant de l'héberger quelques temps. Je n'avais pas eut le courage de lui demander ce qui n'allait pas, appréhendant sûrement une terrible réponse. ''Tout va bien je te dis, va travailler, je m'occupe de ta petite boule de joie. '' La petite boule de joie, c'était bien évidemment ma fille. Bien que cela m'arrangeait, en quelques sorte, de l'avoir chez moi pour garder ma fille, je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le pire quant à sa venue chez moi. Quelques mois plus tôt, elle était partie habiter avec son copain, un garçon plutôt taciturne qui ne m'inspirait pas confiance. Ne pas savoir s'il lui avait fait du mal ou s'il s'agissait d'autre chose ne faisait qu'ajouter à ma paranoïa de tous les jours. Depuis que j'avais ma fille, je voyais le mal partout où j'allais. Une femme qui souriait à Crystal était une menace puisqu'elle pouvait vouloir la kidnapper. Un inconnu qui frappait à ma porte était un tueur à gages engagé pour me faire la peau. J'avais changé, et pas qu'en bien. Être mère célibataire ne m'allait pas si bien que ça. '' Et....tu me diras un jour ce qui t'a effrayé à ce point? '' Hésitante puisque je ne désirais pas vraiment connaître la réponse à cette question, je me suis arrêtée de respirer, attendant d'entendre sa voix. J'allais être en retard pour la chocolaterie, travail que j'avais déniché alors que j'étais enceinte, trois ans plus tôt. Mais peu importe, mais soeur passait avant tout. ''Un jour ...... peut-être. ''