- AVEZ-VOUS DÉJÀ FAIT UN VŒUX? Tout le monde a déjà fait un vœu, même s'il ne veut pas l'admettre publiquement. David aussi, lorsqu'il avait à peine quitté les couches culottes. Il ne s'en rappelle pas distinctement et ne cherche pas à le faire puisque c'est bien loin derrière lui et qu'il n'a plus la prétention de croire à ce que ses vœux se réalisent. Il sait juste que ça concernait généralement des girafes, des éléphants et des gâteaux au chocolat. Le lien? Pas la peine de chercher, il ne le sait plus. C'était sûrement incohérent comme espérer qu'une girafe crache des barres de chocolats. Non, c'est les lamas qui crachent. Alors qu'un lamas crache des part de gâteau au triple chocolat.

- QUE PENSEZ-VOUS DE LA FONTAINE AUX SOUHAITS? SUPERSTITION IDIOTE OU FAITS RÉELS? Il a une tête à croire qu'une fontaine mythique peut réaliser nos moindres désirs? Bon, c'est certes un beau petit conte pour les enfants de bas âge, mais il n'est plus un gamin émerveillé par ce genre de légendes. Il lui arrive même de rire des gens qui font des souhaits devant la fontaine, directement. Il n'est pas hypocrite voyez-vous.... il dit tout ce qu'il pense, même si ça ne plait pas. Ou bien il vous ri au visage, ça dépend de son humeur du jour. Si vraiment votre tête ne lui revient pas, il ne prendra même pas la peine de vous importuner pour rire de votre souhait, il passera simplement son chemin sans vous regarder.

- LE RÉCENT TOURISME ENGENDRÉ PAR LA FONTAINE AUX SOUHAITS VOUS DÉRANGE OU VOUS INDIFFÈRE? Il croit que si les gens veulent s'attrouper devant de la vieille pierre, ça les regarde. S'ils ne le font pas suer, ça va. S'ils le dérangent par exemple, c'est une autre histoire. C'est juste troublant de constater que la population a augmenté pour cette raison. Les gens croient vraiment à n'importe quoi. L'espoir c'est important, mais la stupidité c'est autre chose. Il se souvient s'être déjà battu avec un homme qui lui avait demandé une pièce de monnaie pour faire un souhait. Comment la discussion a dégénérée jusqu'à en venir au poings, il ne s'en rappelle pas, ce n'est pas important, mais il ne s'est pas fait d'amis cette journée là, surtout en le frappant devant son fils de 4 ou 5 ans.  Pas sa faute, il s'est aperçu de sa présence après avoir frappé trois fois. Il a arrêté après l'avoir aperçu, parole de scout.

- DORINE ÉTAIT UNE FEMME ACARIÂTRE. L'AVEZ-VOUS DÉJÀ CROISÉ ET QUE PENSEZ-VOUS DE SA RÉCENTE MORT?   Il sait qu'il s'agissait d'une vieille folle, mais il n'a jamais croisé cette vieille peau puisqu'elle était déjà six pieds sous terre à son arrivée en ville. On lui a raconté qu'elle faisait des messes noires dans sa cave - alors que son ancienne maison ne possède pas de cave étrangement - et qu'elle jetait des sorts aux habitants. Encore des contes inventés par des imbéciles. Il lui arrive de croiser ses chats par contre. S'ils sont énervants à miauler sans arrêt, il les ignore. Il aime bien les chats, ils sont intelligents. Ils se servent de leurs atouts pour qu'on les nourrisse et qu'on ai pitié d'eux. Il respecte ça.
   

- T'as pas une clope? - Possédant déjà une cigarette au bec, pompant la boucane comme si sa vie en dépendait, Steve regardait son collègue, munit d'un air exagérément sérieux. La vérité était qu'il cherchait juste à parler, pour combler le silence qui s'était installé entre eux depuis ce petit incident. Mais le silence revint à la charge, David semblant décidé à ne pas lui répondre. Si le fameux Steve était un homme reconnu pour raconter sa vie dans les moindres détails, il en était tout autre de son interlocuteur. Ne parlant jamais de sa vie et encore moins de son passé, on ne pouvait qu'extrapoler sur ses loisirs lorsqu'il n'était pas au garage pour travailler. Décidé à ne pas le laisser s'en tirer à si bon compte, le quinquagénaire reprit la parole, visiblement heureux de réentendre le son de sa propre voix. Oui, il y a des gens qui s'aiment à ce point. - T'étais obligé de lui en coller une? - Il faisait allusion à la bagarre qu'avait déclenché le jeune homme plus tôt, avec un client. Les raisons ayant poussé le mécanicien en plein milieu du visage étaient grotesques et presque enfantines, ce qui rendait le geste d'autant plus intriguant. - Non, mais avoues que ça aurait été moins drôle. - Si les raisons de ce geste impulsif restaient obscures pour l'homme d'âge mûr, le fautif savait fort bien pourquoi il avait agit ainsi. Il en avait eut envie, fin de l'histoire. Fallait-il réellement une bonne raison pour donner un coup de poing de nos jours? Sa tête et son agissement de client insatisfait l'avaient énervé, ça en plus de son ton hautain et de son index pointé dans sa direction pour le blâmer du mauvais service reçu. Il n'était pas le meilleur mécanicien d'Irlande et certainement le pire en réalité, mais la politesse voulait qu'on dise merci au lieu de se plaindre que la voiture ne fonctionnait plus et démarrait avant de.... Tout ça pour dire qu'il aurait pu dire merci.

Occupé à humer le parfum de fumée qui lui procurait sa cigarette, le père de famille se retourna vers David, se rendant soudainement compte qu'il ne l'avait jamais questionné sur son passé. C'était le moment opportun s'il voulait des réponses, puisque cela leur procurerait un changement de discussion. - T'es pas né en Irlande toi, pas vrai?  - Peut-être est-ce le grognement sourd qu'il eu comme réponse ou le regard de lassitude qu'on lui offra, mais Steve comprit immédiatement qu'il s'aventurait sur une pente glissante. Mais malgré la délicatesse du chemin que prenait la conversation, le jeune homme aux cheveux bruns lui répondit avec sa répartie habituelle. - Tu as deviné tout seul, petit génie, ou bien c'est mon accent qui m'a trahi? - S'il venait de recevoir une confirmation, il obtenait pas plus de réponses. Têtu, il resta donc immobile, à le regarder droit dans les yeux pour lui faire comprendre qu'il ne s'en tirerait pas en si bon compte, sans en dévoiler un minimum sur sa personne. Suite à une moue d'exaspération, la discussion reprit finalement. - Paris. Je suis né à Paris. Tu n'es pas supposé m'offrir un verre avant de te montrer indiscret? Je ne veux pas blesser ton amour propre, mais tu n'es pas tout à fait mon genre. Je préfère les jupes, on se comprend? - Un petit sourire moqueur et hop, il était maintenant difficile pour quiconque de continuer ses questions sur ses origines. Tout le monde, sauf Steve le fouineur. - Mais t'as pas de famille?  -

Si la pente précédente était glissante, celle-ci était carrément gelée. Après une bref hésitation, toutefois, il pu étancher sa soif de curiosité. Enfin, presque. - Non j'ai pas de famille. Je suis né d'un oeuf et on m'a trainé ici dans le bec d'une cigogne. - Le fumeur lui tendit une cigarette dans l'espoir de faire la paix avec lui, mais il balaya le geste d'un revers de la main. Il ne fumait, il ne servait à rien d'acheter sa gentillesse avec du tabac. - T'as envie de tout savoir? J'ai deux parents débiles que je n'ai pas vue depuis 16 ans et j'ai une sœur qui est je ne sais où et qui fait je ne sais quoi. - La situation précédent avait créé un froid entre eux, mais ce dernier s'était intensifié suite à ces paroles. Steve savait qu'il avait été trop indiscret, bien que ses questions n'aient été inoffensives, et il ne pourrait pas se racheter en plates excuses. Il resta donc là, à regarder le sol en espérant qu'on vienne le secourir et l'extirper de ce malaise, mais personne ne vint l'arracher à ses souffrances. David, lui, regardait droit devant lui, occupé à ne pas prononcer des paroles qu'il regretterait.  - Toi, t'es toujours saoul pour oublier que t'es un sale con qui devrait se mêler de ce qui le regarde? -  Et puis tant pis pour les regrets! Steve était un enfoiré et il ne l'avait jamais apprécié. Toujours entrain de rôder autour de tout le monde pour obtenir des infos croustillantes à répéter aux autres ensuite. Même ses enfants le fuyait, à juste titre. Comment ne pas les comprendre? Il lui faisait penser à son père. Un homme futile. Ils étaient très différents, mais partageaient plusieurs similitudes de caractère fort déplaisantes. Steve était alcoolique, son père aussi. Il n'arrêtait pas de faire semblant d'être un homme honorable, tout comme ''monsieur'' Mickaelson qui s'était toujours caché derrière sa pile de billets pour cacher le fait que c'était un être paresseux et sans ambitions. Ses deux parents avaient toujours été fortunés et avaient passé leur vie à faire le tour des réceptions pour se montrer au publique et se donner une image de couple parfait et aimable. La vérité était tout autre. David ne se souvenait pas de l'alcool et n'avait pas été un enfant battu ou autre drame de ce genre. Il avait juste été seul. Trop occupés à dorer leur image et boire jusqu'aux petites heures du matin, ses parents avaient toujours été absents.

- C'est vrai que t'as déjà tué un mec? C'est pour ça que tu dois faire des travaux communautaires?  - Abasourdit par cette question, le concerné resta stoïque un bon moment avant de trouver une réponse appropriée. - Ouais, je l'ai poignardé à mort et je l'ai enterré dans mon jardin. - La phrase restant en suspend et prenant de plus en plus un fond de vérité, David leva les yeux au ciel avant de rectifier. - T'es vraiment un débile profond.... d'abord, on va en prison lorsqu'on tue quelqu'un, on ne fait pas de travaux communautaires. Et je suis bénévole parce que c'est dans ma nature d'être gentil vois-tu? - Évidemment, c'était un sarcasme, mais c'est tout ce que cet effronté aurait comme réponse. Non, ce n'était pas un sain, mais pas non plus un meurtrier. Il avait bien fait quelques bêtises dans sa jeunesse, à commencer par sa fugue, mais pas de quoi fouetter un chat. Pour faire court, il était parti un beau soir, se disant que si ses parents ne voulaient pas passer du temps avec lui, il n'avait que faire du toit qu'ils lui offraient. Avec un peu d'aide, il s'était ramassé dans une ville voisine et avait fait le trottoir ainsi que volé pour pouvoir manger. À 16 ans, ce n'est pas facile de trouver un travail lorsqu'on a aucune expérience. Mais c'était un secret que personne ne savait et ne saurait jamais. Il était trop honteux pour que cela ne se sache un jour.

La seule personne qui lui manquait réellement était sa soeur, Violett. La seule à lui parler, lui raconter sa journée et lui sourire constamment. Tout comme ses parents, il ne l'avait pas vu depuis 16 ans. La soir de sa fuite, il lui avait dit au revoir et elle lui avait fait promettre de venir la revoir lorsqu'il aurait fait sa vie. Il ne l'avait jamais fait. Le seul fait de la retrouver demanderait trop d'efforts. C'était plus facile de fuir et de ne pas admettre qu'on avait commis une énorme bêtise plutôt que de chercher à la retrouver. Et pour lui dire quoi de toute façon? Hey salut, je suis ton frère: un ancien prostitué criminel qui tape sur ce qui ne lui plait pas et qui tourne tout au ridicule. Pas la peine d'espérer qu'une rencontre avec elle se passe pour le mieux. Il n'était jamais retourné à Lugano, la ville où il avait passé la majeure partie de son enfance et où sa famille résidait probablement toujours.

- Alors tu as fait quoi au juste?  - Il parlait de son bénévolat forcé, sans aucun doute. Travailler dans un établissement réservé aux personnes de l'âge d'or en discutant avec eux. l'enfer. Entre cette ancienne soeur, Mary, qui n'arrêtait pas de lui agripper le postérieur et ce vieux Anderson qui bavait à longueur de journée, c'était pire qu'un séjour en prison. Vivement que toute cette mésaventure soit terminée. Et dire que dans son jeune temps, il n'avait jamais rêvé devenir pompier ou astronaute, mais plutôt infirmier. Maintenant il était heureux de ne pas avoir suivit ce chemin. - Je me suis battu dans un bar. J'ai frappé un mec qui me posait trop de questions. - Ça ne se voulait pas être un sarcasme ou un message voilé. C'était peut-être un avertissement quelque peu direct, mais ça n'en restait pas moins la pure vérité. Il avait simplement frappé un juge, d'où ses plusieurs mois à se racheter en faisant du bénévolat forcé et une thérapie de gestion de la colère à laquelle il n'allait pas. Il payait son voisin pour s'y rendre à sa place. Le bénévolat il pouvait supporter comme un homme, mais la thérapie ou tout le monde chialait et racontait leurs malheurs, non merci. - Je devrais rentrer, je crois que ma pause est terminée.  - Il ne demanda pas son reste, trop pressé à retourner à l'intérieur du garage pour ne pas envenimer les choses. C'était peut-être mieux ainsi. Le jeune homme n'avait pas besoin d'une autre plainte pour voie de fait. Justement, il fallait souhaiter que le client de tout à l'heure ne porte pas plainte. Mais quelque chose lui disait que non, que cet homme n'était qu'un lâche qui n'oserait jamais de peur de recevoir un autre poing au visage. Il pourrait donc retourner à sa petite vie en essayant de tenir Steve loin de lui, à l'avenir.