Calme - Timide - Attentive - Têtue - Cordon bleu - Boudeuse
Sharon est née au Texas, dans une petite ville non loin de Houston. Seconde et dernière enfant de la famille Stamkos, elle a grandi dans une petite maison sage et aimant. L'enfant a toujours été discrète, pas forcément sage, mais parvenant toujours à accomplir ses méfaits enfantins dans la plus grande discrétion. Elle a toujours suivi son frère comme une ombre, l'écoutant, observant et analysant les situations dans lesquels son ainé de 5 ans l'embarquait.
À l'âge de douze ans, sa famille déménage pour la France. Direction la Normandie, le décès d'un oncle de son père les fait hériter d'un haras. Passion pour le chef de famille, sa femme devient professeure d'anglais dans un petit lycée pendant que son père reprend l'affaire de l'oncle. Sharon y passe ses week-ends, apprenant le français à l'école. Le choc culturel est vite compensé par la richesse des pays autour d'eux. Son frère Joshua s'acclimate plus rapidement qu'elle, se découvrant une passion pour la photographie et les paysages de Normandie lui donnent l'occasion de faire ses premières armes.
Les deux enfants sont étrangement fusionnels. C'était difficile à percevoir à moins de leur prêter beaucoup d'attention tant leur façon de coexister correspondait à un équilibre subtil. Joshua était une forte tête, au caractère imposant, aux idées fermes et n'avait jamais peur de les exposer. Ses photos devinrent de plus en plus engagées pendant qu'il grandissait. À table, il avait toujours beaucoup de choses à dirent. Au premier coup d'oeil, on aurait sans difficulté dire que sa présence écrasait la personnalité de Sharon, sa petite soeur timide et bien plus discrète.
Il n'en était rien. Sharon n'avait juste pas besoin de parler plus fort que lui ou de parler tout le temps. Si elle avait quelque chose à dire, elle prendrait la peine de la faire. Et bien souvent, Josh' pressentait quand sa petite soeur avait quelque chose à lui dire, se tournant vers elle naturellement pour lui donner la parole. Pourquoi prendre de force qu'on vous donnait naturellement de plein gré ?
Sharon parcourrait les terres normandes lors de ses randonnées, profitant de la nature et découvrant des petits coins paradisiaques. C'était bien souvent elle qui dénichait les futurs coins à photos de Joshua et celui-ci se laissait charmé par tout ce qui plaisait à sa soeur. Bien sûr, peu de gens savaient cela. Pour beaucoup, le fils aîné avait cette personnalité forte et artistique, sa soeur plus calme se tenait dans son ombre. La jeune fille ne l'a jamais ressentie ainsi et Joshua non plus. C'était leur équilibre à eux.
Paradoxalement, en dehors de cette osmose, il est aussi la personne contre laquelle elle a le plus crié. Ils avaient un don pour tomber en désaccord total. Cela pouvait partir d'un rien. La qualité d'un ouvrage, le prochain lieu de vacances, les choix d'orientation de l'autre... Ils confrontaient leurs points vus jusqu'à tomber d'accord. Sharon tenta de s'opposer à son choix de signer auprès d'un journal en tant que photographe. Les missions où il pouvait être envoyé étaient dangereuses. Il était trop jeune. Elle l'était encore plus, mais cela ne comptait pas vraiment. Il n'avait que vingt-et un ans, elle tout juste seize et pourtant elle se sentait parfois comme sa grande sœur. Pourquoi ne pouvait-il pas comprendre que photographe de guerre c'était quelque chose de sérieux, de bien trop dangereux ? Pour la Sharon de l'époque, jamais elle n'aurait imaginé plus grand sujet de dispute. Cela dura des heures, opposant leurs avis avec force et passion. Finalement elle capitula. Elle n'avait pas d'arguments face à la passion dévorante de son frère et l'appel qu'il ressentait à s'engager. Elle devait le laisser grandir, elle le savait.
Ce fut moins pire qu'elle ne le pensait. Sharon finit par admettre qu'elle avait eu tort. La jeune femme voyait moins son frère, mais leurs moments passaient ensemble étaient toujours autant rempli de complicité. Ils se téléphonaient souvent, gardant le contact. Elle-même débutait sa vie, finissant le collège pour entrer en faculté, se spécialisant dans la communication. Toujours calme, elle reste timide. Ses amies l'ont toujours poussé, sans elles peut-être qu'elle serait tout simplement restée muette comme une carpe la première fois qu'un garçon l'a invité à sortir.
Elle n'aime pas prendre les devants, s'imposer. À l'image de son frère derrière son appareil photo, Sharon aime observer, comprendre, s'approprier un lieu, une scène ou déchiffrer le caractère d'une personne. Elle n'aime pas beaucoup être brusquée, prise de court devant l'imprévue. Et pourtant, elle est terriblement douée. Elle ne coupe jamais la parole à qui que ce soit, et hormis avec ses ami(e)s avec qui elle se détend et se laisse aller à parler plus librement, elle n'élève presque jamais la voix. Mais comme par magie, quand elle prend la parole en groupe, le silence se fait pour l'écouter. Ce qui ne l'a met pas forcément à l'aise, mais elle sait bien que son travail est correct.
C'est à vingt-quatre ans qu'elle connut sa plus grosse dispute avec Josh'. Lors d'une soirée, son frère la surprit avec son collège et meilleurs ami, tous deux enlacés. Stupide fierté de grand-frère pour Sharon, son frère sépara sa sœur et de son meilleur ami, frappant ce premier pour amener sa sœur après lui, le poing fermement serré sur son poignet. Elle ne l'avait jamais vu autant en colère. Et jamais rien ne l'avait mis hors d'elle à ce point. À quoi pouvait-il bien penser ? Quel droit pensait-il avoir sur elle ?! Elle était libre de sortir avec qui bon lui semblait, que ce soit son meilleur ami ou non ne le concernait pas. Pire, il aurait mieux fait de se réjouir ! Elle n'était pas une enfant et pouvait choisir seule les hommes qu'elle fréquentait. Qu'il s'y fasse.
Et il s'y fit. Tel frère telle soeur, ses parents reconnurent bien que leurs enfants avaient un très de caractère en commun, et c'était celui de savoir bouder. Guerre froide dans la maison durant plus de deux semaines. Deux semaines durant lesquelles Sharon ne put revoir l'homme qui avait attiré son attention le temps d'une soirée. Elle comprenait sa position. Il ne pouvait aller contre la volonté de son meilleur ami. C'était entre elle et lui.
Et puis un soir, Joshua entera la hache de guerre. Il lui proposa d'aller faire un tour en voiture et la déposa devant un cinéma. Il lui ouvrit la porte et la laissa là, là où attendait l'homme interdit, Ben. Son frère lui avait soufflé quel type de film sa petite soeur aimait et leur avait offert les places. C'était sa façon de se faire pardonner. À partir de ce jour, il n'évoqua plus jamais son opposition à leur relation.
Ben et Joshua étaient régulièrement absents, à l'étranger. Durant une année entière, Sharon et Ben sortir ensemble. Joshua se joignait à eux parfois le temps d'une soirée, d'un repas ou d'un film. Tout allait pour le mieux. Sharon avait depuis longtemps tue sa crainte que lui apportait le métier que faisaient les deux hommes de sa vie. Jamais elle n'aurait cru que c'était un petit voyage sur une île qui lui couterait ce qu'elle avait de plus précieux entre ses mains.
Ils avaient pris l'avion des centaines de fois. Jusqu'à ce fameux jour où un appel en pleine nuit la réveilla. Un responsable de l'aéroport confirma son identité avant de l'informer qu'il ne parvenait pas à joindre ses parents. Rien d'anormal, un orage avait coupé la ligne téléphonique au haras et le réseau passait mal là-bas. L'agent au téléphone hésita avant de laisser tomber d'une voix la plus calme possible que l'avion dans lequel se trouvait Joshua s'était écrasé il y avait de cela quelques heures. Un vol commun à Joshua et Ben. L'agent lui confirma que le nom de son petit ami était bel et bien parmi les noms des passagers enregistrés à bord.
Cette nuit fut floue pour Sharon. Elle conduit jusqu'au haras, seule et en état de choc, en pleine nuit. Ses pensées allaient et venaient, pour Ben, pour Joshua. Elle ne voulait pas imaginer, elle ne le pouvait pas. Pourtant son esprit cherchait un sens à tout cela, filmant un film auquel elle assistait impuissante.
Cette matinée prit fin. L'après-midi également. Le cerveau de Sharon ne cherchait plus à analyser ce qui se passait devant elle. Elle ne comprit pas immédiatement quand à l'aéroport, Ben se dirigea en courant vers elle, la serrant dans ses bras d'une force qui lui coupa le souffle. Les mots qu'il disait, elle les entendait sans trop les comprendre. Il avait oublié des pellicules à l'hôtel, il s'en était rendu compte une fois dans l'avion, il était ressorti. Mais elle ne comprenait pas. Pourquoi Ben était là et que Josh lui n'était pas là. Une profonde dissonance sonnait dans son cœur, sur laquelle elle n'avait aucun pouvoir.
Elle essaya. Sharon essaya de toute ses forces. Mais sans y arriver. Un mois ou deux après, elle ne trouva rien à redire quand Ben lâcha sa question au court d'un repas. Aurait-elle préféré que ce soit lui qui soit mort et Joshua en vie. La jeune femme était effarée de la question. Sans voix, elle l'observa. Mais elle ne nia pas. Elle ne le voulait pas, n'en savait rien et ne voulait pas se poser la question. Mais pire que tout, elle ne voulait pas l'en détromper. Elle avait perdu goût à toute idée d'avenir à ces côtés. Cette envie s'était volatilisée la nuit où son frère s'était écrasé. Elle ne pouvait pas blâmer son meilleur ami, elle n'avait pas le droit de formuler le vœu qu'il soit parti à sa place. Pourtant, elle lui en voulut de l'avoir demandé, car l'espace d'un instant, ce vœu prit forme dans son esprit. Dans le cœur de Sharon, il n'y avait plus la moindre envie de sauver son couple. Alors elle garda le silence. Le laissant choisir lâchement la réponse qu'il comprendrait.
C'était il y a un an. Sha' avança son année scolaire à mit temps, prenant à temps partiel un travail dans un salon de thé pâtissiers. C'était sa pause, son temps de deuil et aucun de ses amis ne lui en voulut. Ils étaient présents, s'appliquant à la faire sourire. Et elle y remit du sien, peu à peu. Ce n'était pas facile tous les soirs, elle ne pouvait nier que Joshua lui manquait, comme une moitié d'elle-même. À la maison, c'était plus douloureux que nul par ailleurs. Les silences rappelaient son absence.
C'est pourquoi elle accepta quand elle reçut sa lettre qui l'invitait à se rendre en Suisse, dans un petit village méconnu. Un stage dans une radio locale. Éloignée de chez elle et de tout ce qui pouvait lui rappeler son frère. Peut-être que c'était ce qu'il lui fallait pour enfin pouvoir à nouveau respirer l'air correctement ?