- AVEZ-VOUS DÉJÀ FAIT UN VŒUX? J’aurais pu, les occasions n’auraient pas manquées. Mais je ne l’ai jamais fait, je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de choses. Les vœux faits au moment des étoiles filantes sont eux aussi des vœux, et ça ne signifie pas qu’ils doivent se réaliser pour autant. Pourquoi cette fontaine serait-elle différente, hein ?

  - QUE PENSEZ-VOUS DE LA FONTAINE AUX SOUHAITS? SUPERSTITION IDIOTE OU FAITS RÉELS? C’est bien joué. Non, sérieusement, la personne qui a inventé  ça doit vraiment être fière d’elle. Cependant, je pense qu’il faut vraiment être crédule pour penser qu’un jet d’eau soit magique. Ouais, je ne crois absolument pas à ce genre de choses. Il m’est inconcevable de croire que ce que je fais a été écrit ou je ne sais quoi encore. Si je décide de manger ce gâteau, c’est que j’ai faim, pas que c’était ma « destinée », non ?

  - LE RÉCENT TOURISME ENGENDRÉ PAR LA FONTAINE AUX SOUHAITS VOUS DÉRANGE OU VOUS INDIFFÈRE? Il m’indiffère dans la mesure où plus il y a de curieux, plus le commerce de la commune est dynamique. Mais si l’un d’entre eux souhaite me parler de cette fontaine, il est hors de question que j’écoute ces légendes. A moins d’avoir un pourboire, bien sûr. Sinon, niveau tranquillité, ça va plus ou moins, je n’ai pas à m’en plaindre.

  - DORINE ÉTAIT UNE FEMME ACARIÂTRE. L'AVEZ-VOUS DÉJÀ CROISÉ ET QUE PENSEZ-VOUS DE SA RÉCENTE MORT?   Je ne l’ai pas souvent croisée ; entre les études et mes petits boulots, elle n’était pas le genre de personne que j’avais l’habitude de voir. La seule fois où je lui ai vraiment parlé, c’était dans un ascenseur. Vous connaissez le stéréotype d’y être bloqué avec un apollon, n’est-ce pas ? Une soirée enfermée avec un bel inconnu... Mais non, moi, c’est avec elle que j’étais bloquée, un après-midi particulièrement chaud. Je placerai cette expérience dans le top 3 de mes pires moments, honnêtement. Pendant trois longues heures, elle se plaignait de la chaleur, de Maurice, le chat gris à qui elle n’avait pas encore pu donner sa pâtée, de la couleur des murs, du sol, des boutons de l’ascenseur, de la rayure dans le coin en haut à droite du miroir. De tout. Tout ce qui était possible d'être critiqué. Connaissant mon caractère, on sait à quel point j’ai été patiente et que j’ai pu la rassurer. Hum. J’ai renversé son panier de courses en sortant et ne me suis pas priée de lui dire que je ne me souciais pas de Maurice, de Gerald ou encore de Noisette. Je n’ai pas le sang-froid, je le sais, mais quand les portes se sont enfin ouvertes j’ai oublié le sens du mot « politesse ».

« Qui suis-je ? ». Cette question, je me la suis déjà posée plusieurs fois. Je suis Hanna Adélie Lancaster. Pour les informations objectives, ça va : c’est pour le reste que ça pêche. Une chose est sûre, je sais ce que je veux. Même quand je n’en ai aucune idée. Je m’explique : si je fais quelque chose, c’est parce que j’en ai envie ou que je l’ai décidé. Je ne conçois pas l’idée que quelqu’un puisse m’obliger à faire quelque chose. Pour moi, chacun dispose de sa propre vie et a le pouvoir de décider de son destin. Je ne crois ni en les souhaits, religions (gare à celui qui voudra me faire changer d’avis), destin, karma ou autre. Je n’ai pas besoin de croire en quelqu’un d’autre, je dois croire en moi et c’est déjà assez difficile comme ça. Maintenant que j’y pense, je suppose que je suis un tout petit peu trop butée. Lorsque j’ai une idée dans la tête, à moins d’être quelqu’un de très important pour moi, je n’écouterai même pas votre suggestion. J’ai décidé que si je devais faire des erreurs, je voulais en être la seule et unique responsable. Ce que je pourrais dire de moi, c’est que je manque totalement de tact. Si j’ai quelque chose à dire, je le dis. Certaines personnes se braquent immédiatement, mais celles qui me connaissent savent qu’il n’y a rien de mesquin derrière mes paroles. Je pars du principe que sans conversation, une amitié tourne vite à l’hypocrisie. Si je peux me comporter comme une personne digne de confiance avec ceux que j’aime, n’essayez surtout pas de venir me chercher des noises. Non, vraiment, vous demanderez aux morts qui ont essayé. Plus sérieusement, si vous avez quelque chose à me dire, venez me l’annoncer en face mais ayez la décence d’affronter ma réaction. Qui peut faire mal, je sais. Autant dire qu’au quotidien, je ne suis pas facile à vivre (surtout quand je ne suis pas d’humeur : dans ce cas, c’est sauve qui peut !). Mais je n’ai pas que des mauvais aspects, je suppose. J’adore les soirées, je suis toujours la première sur la piste. Les gens heureux sont souvent plus appréciés, c’est pourquoi je suis très extravertie. La timidité et moi, on se connait peu.
En ce qui concerne ma vie au quotidien, j’ai enchainé les petits boulots. Encore un aspect du « Je sais ce que je veux même quand je ne le sais pas ». En parallèle de mes études en art (Photographie, plus particulièrement), je travaille à la Pizzeria en tant que serveuse. J’aime bien ce boulot, l’ambiance, et la plupart de mes collègues. Je pense rester sur celui-là. Les études, ça revient cher, alors cet emploi est mon pilier financier. En ce qui concerne mes études, j’adore ce que je fais. La photographie, pour une certaine raison, est ma passion et mon âme d’artiste est comblée. Essayez de me parler d’art, vous ne me reconnaîtrez pas. Je suis assez spontanée, je n’ai rien en tête pour le futur, j’ai déjà assez de mal à assimiler le présent. Cette situation me convient, pour l’instant. Et peu m’importe si elle ne convient pas à mes parents. De toute façon, ils ont déménagé à Londres d’où une partie de ma famille est originaire. Ce sont d’excellents parents. Ils ont toujours été là pour moi, à me soutenir et m’encourager dans mes pires projets d’enfant. Vous vous souvenez de celle qui, en primaire, avait présenté un projet sur la théorie de l’existence des licornes, en fin d'année ? Eh bien, c’était moi. Et avec la bénédiction de mes parents en prime. Autant dire qu’ils me supportaient pour tout et n’importe quoi. Et c’est ça qui nous a séparé : je ne pouvais pas me pardonner une chose tandis qu’ils ne m’en tenaient pas responsables. Cette culpabilité me ronge toujours, et elle ressort surtout quand je les vois. 

Nous y voilà. J’avais une sœur, elle avait huit ans. Elle était atteinte d’une forme de cancer qui ne lui laissait pas beaucoup d’années à vivre. Une année, on a tous cru qu’elle allait s’en sortir. L’espoir, vous savez ? On était devenu crédules ; on plongeait sur chaque petite source d’espoir. J’avais seize ans, et j’étais invitée à ma première soirée. Mon petit copain de l’époque y serait, tout le monde prévoyait que cette fête serait celle de l’année : je devais y être. Je ne voulais pas laisser ma sœur seule à la maison alors que j’étais censée la garder, mais elle m’avait assurée qu’elle allait mieux. Qu’elle irait se coucher après son épisode des « Simpsons ». Je l’ai embrassée sur la tempe, je l’ai pris dans mes bras et j’y suis allée.
Vous savez, la vie, c’est ironique, quand on y pense. Elle allait mieux. Et cette soirée-là, elle a rechuté. Personne n’était à la maison, personne n’a pu appeler les secours avant le retour de mes parents. Personne n’a été à ses côtés lorsqu’elle sentait ses forces partir. Elle avait tenté de m’appeler, mais j’étais totalement bourrée et je n’ai pas compris que mon téléphone sonnait. Elle est morte et j’aurais pu empêcher ça. Mes parents ne m’ont pas jeté la pierre comme j’aurais préféré, ils m’ont épaulée alors que j’étais au plus bas. Je ne voulais pas de ça, en respect pour ma sœur. Elle adorait poser devant l'objectif, c'est de là qu'est venue ma passion.
Il y a ceux qui apprennent de leurs erreurs. Et puis, il y a moi. Après cette expérience, je n’ai pas arrêté de boire : j’ai transformé l’exception en habitude. J’ai rompu avec mon copain, et quelques années plus tard, j’enchaînais les histoires d’un soir. Aujourd’hui, je me sens bien à Quertal et je me suis posée dans mon célibat (pause bien méritée) pour refaire surface. Je ne supporte plus l’alcool, il suffit d’une gorgée pour être complètement stone. Je vais beaucoup mieux, je dirais même que je me sens toujours très bien au quotidien. Mais je n’apprends toujours pas de mes erreurs.